Cadre juridique des stratégies nationales d’adaptation au changement climatique : enjeux et perspectives

Le droit des stratégies nationales d’adaptation au changement climatique est un domaine en pleine expansion qui se situe au carrefour du droit international de l’environnement, du droit constitutionnel et des politiques publiques nationales. Face à l’accélération des phénomènes climatiques extrêmes, les États développent des cadres normatifs spécifiques pour anticiper et gérer les impacts inévitables du réchauffement planétaire. Ces dispositifs juridiques, d’abord embryonnaires, se structurent progressivement en véritables corpus réglementaires contraignants, intégrant des obligations de planification, de suivi et d’évaluation. L’analyse de ces mécanismes révèle les tensions entre souveraineté nationale et coopération internationale, entre droit dur et droit souple, entre approches sectorielles et systémiques.

Fondements juridiques internationaux des obligations d’adaptation

Les stratégies nationales d’adaptation s’enracinent dans un ensemble d’instruments juridiques internationaux qui ont progressivement reconnu l’adaptation comme pilier essentiel de la lutte contre le changement climatique. La Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) de 1992 constitue le socle fondateur, mentionnant explicitement dans son article 4 l’obligation pour les États de « formuler, mettre en œuvre, publier et mettre à jour régulièrement des programmes contenant des mesures visant à faciliter l’adaptation adéquate aux changements climatiques ».

Cette obligation initiale, relativement générale, a été précisée par le Protocole de Kyoto (1997), puis considérablement renforcée par l’Accord de Paris de 2015. Ce dernier représente une avancée majeure en consacrant dans son article 7 un « objectif mondial en matière d’adaptation » et en établissant des obligations procédurales concrètes pour les États. L’article 7.9 stipule ainsi que chaque Partie doit, « selon qu’il convient, engager des processus de planification de l’adaptation et mettre en œuvre des mesures qui consistent notamment à mettre en place ou à renforcer des plans, politiques et/ou contributions utiles ».

Cadre de Sendai et autres instruments connexes

Le cadre juridique international de l’adaptation s’étend au-delà des seuls instruments climatiques. Le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030) constitue un outil complémentaire fondamental, établissant des liens explicites entre gestion des risques et adaptation climatique. De même, les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies, particulièrement l’ODD 13 sur l’action climatique, renforcent l’impératif d’intégration de l’adaptation dans les politiques nationales.

La jurisprudence internationale commence également à façonner ce corpus juridique. L’avis consultatif de la Cour Internationale de Justice du 8 juillet 2022 sur les « Obligations des États en matière de changement climatique » a reconnu l’existence d’une obligation coutumière pour les États de prendre des mesures d’adaptation proportionnées à leurs capacités et aux risques encourus sur leurs territoires.

  • Obligation de planification nationale (CCNUCC, art. 4)
  • Renforcement du cadre juridique par l’Accord de Paris (art. 7)
  • Complémentarité avec le Cadre de Sendai et les ODD
  • Émergence d’une obligation coutumière d’adaptation

Ces fondements internationaux ont catalysé l’émergence de cadres juridiques nationaux spécifiques, avec des degrés divers de contrainte et d’effectivité. Le Royaume-Uni avec son « Climate Change Act » de 2008 a fait figure de pionnier, suivi par la France avec sa loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, puis la loi Climat et Résilience de 2021. Ces textes traduisent une tendance à la juridicisation croissante de l’adaptation, passant d’approches volontaires à des dispositifs contraignants assortis d’obligations de résultat.

Transposition juridique des stratégies d’adaptation dans les droits nationaux

La mise en œuvre des obligations internationales d’adaptation au sein des ordres juridiques nationaux révèle une grande diversité d’approches normatives. Ces transpositions reflètent tant les traditions juridiques propres à chaque État que leur degré d’exposition aux risques climatiques. On observe néanmoins des convergences significatives dans les mécanismes juridiques mobilisés.

Constitutionnalisation du droit à un environnement sain

Un nombre croissant d’États ont intégré dans leur constitution des dispositions relatives à la protection de l’environnement, créant ainsi un fondement juridique de rang supérieur pour les politiques d’adaptation. La France a fait figure de précurseur en Europe avec la Charte de l’environnement de 2004, ayant valeur constitutionnelle. Plus récemment, l’Équateur (2008) et la Bolivie (2009) ont innové en reconnaissant des droits à la nature elle-même (« Pacha Mama »), ouvrant la voie à des recours constitutionnels pour exiger des mesures d’adaptation adéquates.

Cette constitutionnalisation se traduit par un renforcement du contrôle juridictionnel sur les politiques publiques. Dans sa décision « Commune de Grande-Synthe » du 19 novembre 2020, le Conseil d’État français s’est appuyé sur ces fondements constitutionnels pour enjoindre le gouvernement à prendre des mesures supplémentaires, illustrant l’effectivité croissante de ces dispositions.

Législations-cadres spécifiques

De nombreux États ont adopté des lois-cadres dédiées à l’adaptation climatique, établissant des obligations procédurales et parfois substantielles. Le Climate Change Act britannique de 2008 a créé un mécanisme d’évaluation quinquennale des risques climatiques (CCRA) et l’obligation d’adopter un Programme National d’Adaptation (NAP) correspondant. Cette approche a inspiré d’autres juridictions comme l’Irlande (Climate Action and Low Carbon Development Act, 2015) et la Nouvelle-Zélande (Climate Change Response (Zero Carbon) Amendment Act, 2019).

La Finlande a opté pour une approche différente avec sa loi sur le climat (609/2015), qui distingue clairement les obligations en matière d’atténuation et d’adaptation, imposant pour cette dernière un cycle de planification septennale, assorti d’obligations de reporting au Parlement finlandais.

Ces législations-cadres se caractérisent généralement par:

  • L’établissement d’institutions spécialisées (comités scientifiques indépendants)
  • Des obligations cycliques d’évaluation des risques et de planification
  • Des mécanismes de suivi et reporting régulier aux parlements
  • Des dispositions sur la participation publique aux processus décisionnels

Intégration sectorielle dans le droit existant

Parallèlement aux approches constitutionnelles et législatives dédiées, l’adaptation s’intègre progressivement dans les législations sectorielles existantes. Le droit de l’urbanisme constitue un vecteur privilégié, avec l’intégration des risques climatiques dans les documents de planification. En France, les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) doivent désormais intégrer des objectifs de lutte contre le changement climatique, tandis que les Plans de Prévention des Risques Naturels (PPRN) prennent progressivement en compte l’évolution prévisible des aléas climatiques.

Le droit des assurances connaît également des mutations profondes, avec l’apparition de mécanismes incitatifs à l’adaptation. Aux États-Unis, le National Flood Insurance Program module les primes d’assurance selon les mesures d’adaptation mises en œuvre par les communautés, créant ainsi une incitation économique à la résilience territoriale.

Gouvernance multiniveau et répartition des compétences

La mise en œuvre effective des stratégies d’adaptation soulève d’épineuses questions de répartition des compétences entre les différents échelons de gouvernance. Contrairement aux politiques d’atténuation, souvent centralisées, l’adaptation au changement climatique nécessite une approche territorialisée qui implique une articulation complexe entre acteurs nationaux, régionaux et locaux.

Cadres juridiques supranationaux

Au niveau européen, la Stratégie d’adaptation de l’Union européenne, adoptée initialement en 2013 puis révisée en 2021, constitue un cadre de référence non contraignant. Elle a néanmoins été progressivement renforcée par des directives sectorielles intégrant des considérations d’adaptation, comme la Directive 2007/60/CE relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation ou la Directive 2008/56/CE établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin.

Le règlement (UE) 2021/1119 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique (« loi européenne sur le climat ») marque une étape supplémentaire vers la juridicisation de l’adaptation au niveau européen. Son article 5 stipule que « les institutions de l’Union et les États membres veillent à ce que des progrès continus soient réalisés dans l’amélioration de la capacité d’adaptation, le renforcement de la résilience et la réduction de la vulnérabilité au changement climatique ».

Distribution verticale des compétences dans les États

La répartition des responsabilités juridiques en matière d’adaptation varie considérablement selon l’organisation constitutionnelle des États. Dans les systèmes fédéraux comme l’Allemagne, la Belgique ou l’Australie, les compétences sont partagées entre l’échelon fédéral et les entités fédérées, créant parfois des chevauchements ou des lacunes.

En Allemagne, le cadre juridique reflète cette complexité avec une Stratégie allemande d’adaptation (DAS) adoptée au niveau fédéral, complétée par des stratégies propres aux Länder. La loi fédérale sur le climat (Bundes-Klimaschutzgesetz) de 2019, modifiée en 2021, renforce cette articulation en imposant une coordination formalisée entre les différents niveaux de gouvernance.

Dans les États unitaires comme la France, la décentralisation des compétences en matière d’adaptation s’est opérée progressivement. Le Code général des collectivités territoriales attribue désormais aux régions un rôle de chef de file pour « l’aménagement et le développement durable du territoire », tandis que les Plans Climat-Air-Énergie Territoriaux (PCAET) imposent aux intercommunalités de plus de 20 000 habitants d’élaborer des stratégies locales d’adaptation.

  • Répartition constitutionnelle des compétences (États fédéraux/unitaires)
  • Principe de subsidiarité dans l’allocation des responsabilités
  • Mécanismes de coordination verticale entre échelons
  • Outils juridiques de coopération territoriale

Coordination horizontale entre secteurs

Au-delà de la répartition verticale des compétences, l’adaptation au changement climatique pose un défi majeur de coordination horizontale entre différents secteurs du droit et de l’action publique. Les mécanismes juridiques d’intégration se multiplient pour décloisonner les approches sectorielles.

Les procédures d’évaluation environnementale constituent un outil privilégié de cette intégration. En France, la loi n° 2016-1087 pour la reconquête de la biodiversité a renforcé l’obligation d’intégrer les effets du changement climatique dans les études d’impact. De même, la directive européenne 2014/52/UE relative à l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement impose désormais explicitement la prise en compte de la vulnérabilité des projets au changement climatique.

Ces évolutions juridiques traduisent une tendance au dépassement des approches sectorielles au profit d’une vision systémique des enjeux d’adaptation, intégrant notamment les liens entre climat, biodiversité et aménagement du territoire.

Instruments économiques et financiers de l’adaptation

Le cadre juridique des stratégies d’adaptation ne se limite pas à des obligations de planification mais intègre de plus en plus des mécanismes économiques et financiers destinés à orienter les comportements des acteurs publics et privés. Ces instruments, à la frontière du droit et de l’économie, se caractérisent par leur diversité et leur complémentarité.

Budgétisation climatique et obligations de transparence

Les lois de finances de nombreux États intègrent progressivement des dispositions relatives au financement de l’adaptation. La France a ainsi introduit en 2021 un « budget vert » annexé au projet de loi de finances, permettant d’évaluer l’impact climatique des dépenses budgétaires, y compris sous l’angle de l’adaptation. Cette innovation juridique s’inspire du Climate Budget Tagging développé par des pays comme les Philippines ou l’Indonésie.

Au niveau européen, le règlement (UE) 2020/852 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables (« taxonomie verte ») inclut l’adaptation comme l’un des six objectifs environnementaux. Cette classification juridique des activités économiques crée une obligation de transparence pour les acteurs financiers et les entreprises concernant leur contribution à l’adaptation climatique.

Mécanismes assurantiels et transfert de risques

Le droit des assurances évolue pour intégrer les enjeux d’adaptation au changement climatique. En France, le régime des catastrophes naturelles (CatNat) établi par la loi du 13 juillet 1982 a été réformé par la loi du 28 décembre 2021 pour mieux prendre en compte l’évolution des risques climatiques. Cette réforme introduit notamment un « droit à l’information » des assurés sur les mesures de prévention et d’adaptation susceptibles de réduire leur vulnérabilité.

Des mécanismes innovants de transfert de risques émergent également, comme les obligations catastrophes (« cat bonds ») ou les assurances paramétriques. Ces instruments, bien que relevant principalement du droit privé, sont de plus en plus encadrés par des dispositions réglementaires spécifiques. Au Mexique, le Fonds national pour les catastrophes naturelles (FONDEN) a ainsi développé un cadre juridique sophistiqué pour l’émission d’obligations catastrophes couvrant les risques climatiques.

  • Intégration de l’adaptation dans les lois de finances
  • Obligations de divulgation des risques climatiques
  • Évolution du droit des assurances face aux risques climatiques
  • Cadres réglementaires des instruments financiers innovants

Financement de l’adaptation dans les pays en développement

Le droit international du climat a progressivement établi des obligations de financement de l’adaptation dans les pays en développement. L’Accord de Paris réaffirme dans son article 9 l’obligation pour les pays développés de « fournir des ressources financières pour venir en aide aux pays en développement » tant en matière d’atténuation que d’adaptation.

Ces engagements se traduisent par la mise en place de fonds multilatéraux dotés de personnalité juridique, comme le Fonds vert pour le climat ou le Fonds pour l’adaptation. Ces institutions développent leurs propres cadres normatifs, établissant des critères d’éligibilité et des procédures d’accès aux financements qui influencent directement la conception des stratégies nationales d’adaptation dans les pays bénéficiaires.

La COP27 de Charm el-Cheikh a marqué une avancée majeure avec l’accord de principe sur la création d’un fonds « pertes et dommages » destiné à financer les conséquences irréversibles du changement climatique. Ce nouveau mécanisme, encore en cours d’élaboration juridique, pourrait transformer profondément l’approche du financement de l’adaptation au niveau international.

Contentieux climatique et renforcement de la justiciabilité des obligations d’adaptation

L’émergence d’un contentieux climatique mondial constitue l’une des évolutions les plus significatives dans le domaine du droit des stratégies d’adaptation. Ce phénomène contribue à préciser la portée des obligations juridiques des États et des acteurs privés, renforçant progressivement la justiciabilité des engagements pris en matière d’adaptation.

Recours administratifs contre l’insuffisance des mesures d’adaptation

Les juridictions administratives sont de plus en plus saisies de recours contestant l’insuffisance des politiques nationales d’adaptation. L’affaire Urgenda aux Pays-Bas, bien que principalement centrée sur l’atténuation, a ouvert la voie à ce type de contentieux en reconnaissant la responsabilité de l’État dans la protection de ses citoyens contre les risques climatiques. La Cour suprême néerlandaise, dans son arrêt du 20 décembre 2019, a confirmé cette obligation en se fondant notamment sur les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

En France, l’affaire « Grande-Synthe » a permis au Conseil d’État de reconnaître l’opposabilité juridique des objectifs climatiques nationaux. Dans sa décision du 1er juillet 2021, il enjoint au gouvernement de « prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre », ouvrant ainsi la voie à un contrôle juridictionnel renforcé des politiques d’adaptation.

Des recours similaires se développent dans de nombreuses juridictions. En Afrique du Sud, l’affaire Earthlife Africa Johannesburg v. Minister of Environmental Affairs a établi en 2017 l’obligation d’intégrer les considérations climatiques, y compris l’adaptation, dans les évaluations environnementales des projets d’infrastructure.

Contentieux fondés sur les droits fondamentaux

Une tendance majeure du contentieux climatique consiste à mobiliser les droits fondamentaux comme fondement juridique de l’obligation d’adaptation. L’affaire Leghari au Pakistan illustre cette approche : en 2015, la Haute Cour de Lahore a reconnu que l’inaction gouvernementale en matière d’adaptation violait les droits fondamentaux des citoyens, notamment le droit à la vie. Elle a ordonné la création d’une Commission sur le changement climatique chargée de superviser la mise en œuvre de la Politique nationale d’adaptation.

En Colombie, la Cour suprême a rendu en 2018 une décision historique dans l’affaire Future Generations v. Ministry of the Environment, reconnaissant les droits des générations futures à un environnement stable et ordonnant l’élaboration d’un « Pacte intergénérationnel pour la vie de l’Amazonie colombienne » incluant des mesures d’adaptation.

Au niveau européen, la Cour européenne des droits de l’homme a été saisie de plusieurs affaires climatiques, dont l’affaire Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse, qui pourrait établir des standards européens en matière d’obligations d’adaptation fondées sur les droits humains.

  • Reconnaissance judiciaire d’un devoir de vigilance climatique
  • Mobilisation du droit à la vie et à la santé
  • Émergence de la notion de droits des générations futures
  • Développement de standards procéduraux (accès à l’information, participation)

Responsabilité des acteurs privés

Le contentieux climatique s’étend progressivement aux acteurs privés, notamment les grandes entreprises et les institutions financières. En France, la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre de 2017 a créé une obligation pour les grandes entreprises d’identifier et de prévenir les risques climatiques dans leurs chaînes de valeur. Cette obligation inclut explicitement les risques liés à l’adaptation, comme l’a confirmé le Tribunal judiciaire de Paris dans l’affaire Notre Affaire à Tous c. Total.

Aux États-Unis, plusieurs municipalités ont engagé des poursuites contre des compagnies pétrolières pour obtenir le financement de mesures d’adaptation. L’affaire City of Baltimore v. BP p.l.c. illustre cette tendance, avec des fondements juridiques relevant tant de la common law (nuisance publique) que des lois spécifiques sur la protection des consommateurs.

Ces contentieux contribuent à l’émergence d’une responsabilité climatique des acteurs privés, complétant les obligations traditionnellement imposées aux États. Ils participent ainsi à la construction d’un cadre juridique global de l’adaptation, associant acteurs publics et privés dans une responsabilité partagée mais différenciée.

Perspectives d’évolution : vers un droit intégré de la résilience climatique

Le droit des stratégies nationales d’adaptation connaît une évolution rapide qui laisse entrevoir l’émergence d’un véritable corpus juridique intégré de la résilience climatique. Cette dynamique s’accompagne de défis conceptuels et pratiques majeurs pour les systèmes juridiques contemporains.

Intégration des savoirs autochtones dans le cadre juridique

Une tendance novatrice consiste à reconnaître et intégrer les savoirs autochtones dans les dispositifs juridiques d’adaptation. La Nouvelle-Zélande a ouvert la voie avec le Te Awa Tupua (Whanganui River Claims Settlement) Act de 2017, qui reconnaît la personnalité juridique d’un fleuve selon la cosmologie maorie et établit un cadre de gouvernance intégrant explicitement les connaissances traditionnelles dans la gestion adaptative du bassin versant.

Au Canada, la Loi sur l’évaluation d’impact de 2019 impose désormais la prise en compte des « connaissances autochtones » dans l’évaluation des projets, y compris pour l’analyse de leur vulnérabilité climatique. Cette évolution marque une reconnaissance juridique des approches pluralistes de l’adaptation, dépassant le cadre technocratique initial.

Ces innovations juridiques posent néanmoins des questions complexes sur les modalités de protection de ces savoirs traditionnels et sur leur articulation avec les connaissances scientifiques conventionnelles. Des mécanismes de consentement préalable, libre et éclairé sont progressivement développés pour répondre à ces enjeux.

Vers un droit de la migration climatique

Face à l’inévitabilité de certains impacts climatiques, un droit des déplacements liés au climat émerge progressivement. Si le statut de « réfugié climatique » n’est pas reconnu en droit international, des initiatives régionales et nationales développent des cadres juridiques adaptés à cette réalité.

Les Fidji ont ainsi adopté en 2018 des Directives nationales pour la réinstallation des communautés affectées par le changement climatique, établissant un cadre procédural pour les déplacements planifiés. Au niveau régional, la Convention de Kampala sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (2009) reconnaît explicitement le changement climatique comme facteur de déplacement interne.

L’Organisation Internationale pour les Migrations a développé un cadre conceptuel pour la « migration comme stratégie d’adaptation » qui influence progressivement les politiques migratoires nationales. La Nouvelle-Zélande expérimente des visas spécifiques pour les populations du Pacifique menacées par la montée des eaux, préfigurant l’émergence d’un statut juridique adapté aux mobilités climatiques.

  • Reconnaissance juridique des déplacements climatiques
  • Développement de procédures pour les relocalisations planifiées
  • Émergence de statuts migratoires spécifiques
  • Mécanismes de partage des responsabilités entre États

Justice climatique et équité intergénérationnelle

La notion de justice climatique s’intègre progressivement dans les cadres juridiques de l’adaptation. Plusieurs juridictions ont développé des outils normatifs pour garantir une répartition équitable des efforts et des bénéfices des politiques d’adaptation.

La Californie a ainsi adopté en 2016 l’Assembly Bill 1550, qui exige qu’au moins 25% des financements climatiques bénéficient aux communautés défavorisées, incluant explicitement les mesures d’adaptation. Cette approche a inspiré d’autres juridictions comme l’Illinois avec son Climate and Equitable Jobs Act de 2021.

La dimension intergénérationnelle de la justice climatique trouve également une traduction juridique. La Cour constitutionnelle allemande, dans sa décision historique du 24 mars 2021, a reconnu que la protection du climat relevait d’une obligation constitutionnelle de préservation des « fondements naturels de la vie » pour les générations futures. Bien que centrée sur l’atténuation, cette décision établit des principes transposables aux politiques d’adaptation.

Ces évolutions dessinent les contours d’un droit de l’adaptation plus équitable, attentif aux vulnérabilités différenciées et aux enjeux de long terme. Elles témoignent de la capacité des systèmes juridiques à se réinventer face à l’ampleur du défi climatique, en développant des concepts et outils adaptés à sa temporalité et à sa complexité.