L’Encadrement Juridique des Technologies de Capture du Carbone : Défis et Perspectives

La lutte contre le changement climatique mobilise des solutions technologiques variées, parmi lesquelles les technologies de capture du carbone occupent une place grandissante. Ces dispositifs, qui visent à extraire le CO2 de l’atmosphère ou à le capter avant émission, constituent un levier potentiel pour atteindre la neutralité carbone. Pourtant, leur déploiement soulève de nombreuses questions juridiques. Entre incitations fiscales, réglementations techniques, responsabilités environnementales et cadres internationaux, le droit tente d’encadrer ces innovations sans freiner leur développement. Cet encadrement juridique, encore fragmenté et évolutif, reflète les tensions entre urgence climatique, prudence réglementaire et intérêts économiques.

Fondements juridiques et évolution réglementaire des technologies de capture carbone

Les technologies de capture du carbone ont progressivement trouvé leur place dans les corpus juridiques nationaux et internationaux. L’émergence de ces dispositifs réglementaires s’inscrit dans une prise de conscience graduelle de la nécessité d’encadrer ces technologies prometteuses mais complexes. Dès les années 2000, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques a commencé à évoquer ces techniques, sans toutefois créer de cadre spécifique.

En France, le cadre juridique s’est construit par strates successives. La loi Grenelle II de 2010 a posé les premiers jalons en introduisant dans le code de l’environnement des dispositions relatives au stockage géologique du CO2. Cette transposition de la directive européenne 2009/31/CE a établi un régime d’autorisation pour les sites de stockage, assorti d’obligations de surveillance et de responsabilité à long terme.

La loi Énergie-Climat de 2019 a renforcé ce cadre en fixant l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, donnant ainsi une légitimité accrue aux technologies de captage. Plus récemment, la loi Climat et Résilience de 2021 a intégré ces technologies dans la stratégie nationale bas-carbone, confirmant leur rôle dans la transition écologique française.

Au niveau européen, le cadre s’est précisé avec le Pacte vert et le paquet législatif « Fit for 55 ». Le règlement (UE) 2021/1119 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique mentionne explicitement les technologies de capture comme outils potentiels pour atteindre les objectifs climatiques de l’Union. La révision du système d’échange de quotas d’émission (SEQE-UE) a par ailleurs intégré des dispositions spécifiques concernant la comptabilisation du carbone capté.

Typologie juridique des mécanismes de capture

Le droit distingue plusieurs catégories de technologies, chacune soumise à des règles spécifiques :

  • Le captage et stockage du carbone (CSC) : encadré par des régimes d’autorisation stricts concernant les installations industrielles et les sites de stockage
  • Le captage et utilisation du carbone (CCU) : soumis à des règles de traçabilité et de certification de la permanence du stockage
  • Les technologies de capture directe dans l’air (DAC) : émergentes et encore peu encadrées spécifiquement
  • Les solutions fondées sur la nature : intégrées dans les dispositifs juridiques relatifs à la foresterie et à l’agriculture

Cette fragmentation réglementaire reflète la diversité des technologies et leurs stades de maturité variables. Elle témoigne d’un droit en construction, qui tente de s’adapter aux évolutions technologiques rapides tout en garantissant sécurité juridique et protection environnementale.

L’analyse des fondements juridiques révèle une tension permanente entre deux approches : d’une part, une logique incitative visant à favoriser l’innovation et le déploiement de ces technologies ; d’autre part, une logique de précaution cherchant à prévenir les risques potentiels. Cette dualité se retrouve dans l’ensemble des dispositifs juridiques encadrant la capture du carbone.

Mécanismes incitatifs et financement des projets de capture carbone

Le déploiement des technologies de capture du carbone nécessite des investissements considérables que le marché seul peine à mobiliser. Face à ce constat, les législateurs ont progressivement élaboré des dispositifs incitatifs visant à stimuler ces investissements. Ces mécanismes juridiques et financiers constituent un pilier fondamental de l’encadrement de ces technologies.

En France, plusieurs instruments juridiques soutiennent le développement des projets de capture. Les certificats d’économie d’énergie (CEE) ont été étendus pour valoriser certaines opérations de captage industriel. Le Code général des impôts prévoit désormais des crédits d’impôt recherche bonifiés pour les entreprises investissant dans ces technologies, avec un taux majoré pouvant atteindre 60% pour les PME.

La loi de finances 2022 a introduit un mécanisme d’amortissement accéléré pour les équipements de capture, permettant aux entreprises d’amortir ces investissements sur une période réduite à 3 ans, contre 10 à 15 ans habituellement. Ce dispositif, codifié à l’article 39 decies D du CGI, représente un avantage fiscal significatif, estimé à plus de 200 millions d’euros sur la période 2022-2025.

Au niveau européen, le Fonds pour l’innovation constitue le principal mécanisme de soutien financier. Doté de plus de 25 milliards d’euros pour la période 2021-2030, ce fonds finance des projets innovants de décarbonation, avec une enveloppe dédiée aux technologies de capture. Le mécanisme pour une transition juste et InvestEU complètent ce dispositif en facilitant l’accès aux garanties et aux prêts bonifiés.

Tarification carbone et valorisation de la capture

L’efficacité économique des projets de capture dépend fortement de la valeur attribuée au carbone non émis ou retiré de l’atmosphère. Le cadre juridique a progressivement intégré cette dimension :

  • Le système d’échange de quotas d’émission européen reconnaît depuis 2018 le CO2 capté et stocké de manière permanente comme non émis
  • La taxonomie européenne des activités durables (Règlement UE 2020/852) inclut certaines technologies de capture comme contribuant substantiellement à l’atténuation du changement climatique
  • Le Label Bas-Carbone français permet désormais de certifier et valoriser les réductions d’émissions liées à des projets de capture

La directive 2018/410/UE a renforcé cette approche en précisant les modalités de comptabilisation du carbone capté dans le cadre du marché européen. Elle a notamment clarifié le traitement des émissions négatives, ouvrant la voie à une valorisation potentielle des technologies de capture directe dans l’air.

Malgré ces avancées, des zones d’ombre juridiques persistent. La permanence du stockage et sa vérification soulèvent des questions complexes que le droit peine encore à résoudre de façon satisfaisante. Les mécanismes de certification et de traçabilité du carbone capté demeurent insuffisamment développés, créant une incertitude juridique préjudiciable aux investisseurs.

Le développement d’un marché volontaire du carbone a conduit à l’émergence de standards privés qui complètent, parfois concurrencent, les mécanismes publics. Cette pluralité de normes pose des défis d’articulation juridique que les législateurs devront résoudre pour garantir la cohérence du cadre incitatif.

Responsabilités juridiques et gestion des risques environnementaux

L’encadrement juridique des technologies de capture du carbone doit nécessairement intégrer la dimension des risques environnementaux et sanitaires. Ces technologies, particulièrement celles impliquant un stockage géologique, soulèvent des questions de responsabilité à court et long terme que le droit tente d’appréhender.

Le principe de précaution, consacré à l’article 5 de la Charte de l’environnement en France et à l’article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, structure l’approche juridique des risques liés à la capture carbone. Ce principe justifie l’imposition d’études d’impact approfondies et de garanties financières substantielles pour les opérateurs.

Le régime de responsabilité applicable au stockage de CO2 illustre cette approche prudentielle. La directive 2009/31/CE et sa transposition dans le Code de l’environnement français (articles L. 229-27 à L. 229-54) établissent un système à trois niveaux :

  • Une responsabilité d’exploitation pendant la phase d’injection et de surveillance active
  • Une responsabilité de surveillance post-fermeture, généralement pour une période de 20 à 30 ans
  • Un transfert de responsabilité à l’État pour la surveillance à très long terme, sous conditions strictes

Ce transfert de responsabilité constitue une innovation juridique majeure, reconnaissant l’échelle temporelle exceptionnelle du stockage géologique. Il est toutefois assorti d’une contribution financière de l’exploitant, calculée pour couvrir au moins 30 ans de surveillance par l’État (article R. 229-87 du Code de l’environnement).

Prévention et réparation des dommages environnementaux

Les technologies de capture s’inscrivent pleinement dans le champ d’application de la directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale. Cette directive, transposée aux articles L. 160-1 et suivants du Code de l’environnement, impose une obligation de prévention et de réparation des dommages environnementaux selon le principe du pollueur-payeur.

Pour les installations de capture industrielle, le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ou celui des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) s’applique, avec des prescriptions techniques détaillées. La nomenclature ICPE a d’ailleurs été modifiée en 2018 pour intégrer spécifiquement les installations de captage de CO2.

Les risques spécifiques liés au transport du CO2 capté ont conduit à l’élaboration de règles particulières. L’arrêté du 4 août 2014 relatif aux règles de sécurité pour les canalisations de transport de dioxyde de carbone fixe des prescriptions techniques strictes, reflétant les propriétés physico-chimiques particulières du CO2 sous pression.

La question des fuites potentielles de CO2 stocké soulève des défis juridiques complexes en matière de responsabilité civile et administrative. Le droit positif peine encore à définir clairement le régime applicable en cas de fuite survenant après le transfert de responsabilité à l’État. Cette zone grise juridique constitue un frein potentiel au développement de la filière.

Face à ces incertitudes, la contractualisation des risques entre les différents acteurs de la chaîne de valeur (capteurs, transporteurs, stockeurs) devient un enjeu majeur. Des modèles contractuels émergent progressivement, s’inspirant notamment de l’expérience acquise dans le secteur pétrolier et gazier, mais adaptés aux spécificités du CO2.

Dimension internationale et harmonisation des cadres juridiques

Les technologies de capture du carbone s’inscrivent dans un contexte global de lutte contre le changement climatique, nécessitant une coordination internationale des cadres juridiques. Cette dimension transfrontalière constitue un défi majeur pour le déploiement à grande échelle de ces solutions.

L’Accord de Paris, adopté en 2015, ne mentionne pas explicitement les technologies de capture carbone, mais son article 4 évoque l’objectif d’équilibre entre émissions et absorptions anthropiques de gaz à effet de serre, ouvrant ainsi la voie à leur reconnaissance. Les contributions déterminées au niveau national (CDN) de nombreux pays intègrent désormais ces technologies dans leurs stratégies climatiques.

Le Protocole de Londres sur la prévention de la pollution marine a été amendé en 2009 pour permettre le stockage géologique du CO2 sous les fonds marins. Cet amendement, entré en vigueur en 2019 après ratification par plus de 30 pays, illustre l’adaptation progressive du droit international aux enjeux de la capture carbone.

La question du transport transfrontalier du CO2 a nécessité des clarifications juridiques spécifiques. L’amendement de 2009 à la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux a précisé que le CO2 capté pour stockage n’était pas considéré comme un déchet dangereux, facilitant ainsi les projets internationaux.

Disparités réglementaires et enjeux d’harmonisation

L’analyse comparative des cadres juridiques nationaux révèle d’importantes disparités :

  • Les États-Unis ont développé un cadre incitatif puissant avec le crédit d’impôt 45Q, réformé en 2018 pour offrir jusqu’à 85$/tCO2 capturé
  • Le Royaume-Uni a mis en place un système de contrats de différence pour le carbone, garantissant un prix plancher pour le CO2 capté
  • La Norvège a élaboré un cadre juridique complet pour le stockage offshore, s’appuyant sur son expertise pétrolière
  • Le Canada combine subventions fédérales et tarification carbone provinciale

Ces différences de traitement juridique et fiscal créent des distorsions potentielles et compliquent le développement de projets transfrontaliers. La Commission européenne a reconnu ce défi dans sa stratégie pour l’intégration du système énergétique, publiée en 2020, qui appelle à une harmonisation des cadres réglementaires.

Le Règlement (UE) 2018/1999 sur la gouvernance de l’Union de l’énergie prévoit des mécanismes de coopération entre États membres qui pourraient servir de base à des projets conjoints de capture carbone. Le développement d’infrastructures transfrontalières de transport de CO2 pourrait bénéficier du statut de « projet d’intérêt commun » au titre du règlement sur les réseaux transeuropéens d’énergie.

La question de la comptabilisation du carbone capté dans les inventaires nationaux d’émissions soulève des défis méthodologiques et juridiques. Les lignes directrices du GIEC de 2019 proposent des méthodes de comptabilisation, mais leur transposition dans les droits nationaux reste inégale.

Le développement d’un marché international du carbone, prévu par l’article 6 de l’Accord de Paris, pourrait offrir de nouvelles opportunités pour valoriser les réductions d’émissions liées à la capture carbone. Les règles adoptées lors de la COP26 à Glasgow ont clarifié certains aspects de ces mécanismes, mais des zones d’ombre subsistent quant à l’intégration des technologies à émissions négatives.

Perspectives d’évolution du cadre juridique : vers une réglementation adaptative

L’encadrement juridique des technologies de capture du carbone se trouve à un point d’inflexion. Entre nécessité d’accélérer leur déploiement face à l’urgence climatique et besoin de garantir leur innocuité environnementale, le droit doit trouver un équilibre délicat. Les évolutions récentes et attendues dessinent les contours d’un cadre plus intégré et adaptatif.

La Commission européenne a annoncé dans sa communication sur le Pacte vert son intention de proposer un cadre réglementaire pour la certification des absorptions de carbone. Cette initiative, dont les premiers textes sont attendus pour 2023-2024, vise à harmoniser les méthodes de mesure, déclaration et vérification (MRV) du carbone capté, stocké ou utilisé.

En France, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) révisée prévoit un recours accru aux technologies de capture pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Cette orientation stratégique devrait se traduire par des évolutions législatives et réglementaires dans les prochaines années, notamment dans le cadre des futures lois de programmation énergie-climat.

L’évolution du cadre juridique s’oriente vers une approche plus intégrée, considérant l’ensemble de la chaîne de valeur de la capture. Le développement d’infrastructures mutualisées de transport et stockage du CO2 nécessitera probablement l’élaboration de règles d’accès des tiers, inspirées de celles existant dans les secteurs de l’énergie ou des télécommunications.

Vers un droit adaptatif et proportionné

Face à la diversité des technologies et à leur maturité variable, une tendance à la différenciation réglementaire se dessine :

  • Pour les technologies matures comme le captage industriel, un cadre précis et contraignant
  • Pour les technologies émergentes comme la capture directe dans l’air, des « bacs à sable réglementaires » permettant l’expérimentation
  • Pour les solutions fondées sur la nature, une intégration progressive dans les dispositifs existants de gestion des écosystèmes

Cette approche différenciée s’inspire du principe de proportionnalité, visant à adapter les contraintes réglementaires aux risques réels et au niveau de développement des technologies. Elle trouve un écho dans la loi ESSOC de 2018, qui a introduit en droit français le droit à l’expérimentation réglementaire.

La dimension éthique et sociale de ces technologies commence à être intégrée dans la réflexion juridique. Le Comité consultatif national d’éthique français s’est saisi de la question en 2022, soulignant la nécessité d’un encadrement qui préserve le principe de réduction prioritaire des émissions et évite les effets d’aubaine.

L’articulation entre capture du carbone et autres objectifs environnementaux constitue un défi juridique majeur. Le principe de non-régression environnementale, consacré à l’article L. 110-1 du Code de l’environnement, impose que ces technologies ne conduisent pas à affaiblir d’autres protections environnementales, notamment en matière de biodiversité ou de gestion de l’eau.

La question de l’acceptabilité sociale des projets de capture et stockage du carbone a conduit à renforcer les dispositifs de participation du public. Au-delà des procédures classiques d’enquête publique, des mécanismes innovants de concertation continue émergent, inspirés notamment de l’expérience des commissions locales d’information dans le domaine nucléaire.

L’évolution du cadre juridique devra intégrer la dimension territoriale du déploiement de ces technologies. Les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) et les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) constituent des outils pertinents pour planifier et coordonner le développement de ces filières à l’échelle locale.

Défis juridiques pour un déploiement responsable et efficace

L’analyse de l’encadrement juridique des technologies de capture du carbone révèle plusieurs défis majeurs que les législateurs devront relever dans les années à venir. Ces enjeux, à la croisée du droit de l’environnement, de l’énergie et de l’innovation, conditionnent le développement harmonieux et efficace de ces solutions.

Le premier défi concerne la sécurité juridique à long terme. Les investissements dans les technologies de capture s’inscrivent dans des horizons temporels de plusieurs décennies, nécessitant une stabilité réglementaire que les cycles politiques traditionnels peinent à garantir. Des mécanismes juridiques innovants, comme les contrats de transition climatique entre l’État et les opérateurs privés, pourraient offrir cette stabilité sans renoncer à l’adaptabilité nécessaire.

La question de la propriété intellectuelle constitue un second enjeu critique. Le droit des brevets actuel, conçu pour des innovations classiques, s’adapte difficilement aux technologies environnementales d’intérêt général. Des dispositifs comme les licences obligatoires pour motif d’intérêt public (article L. 613-16 du Code de la propriété intellectuelle) ou les patent pools collaboratifs pourraient être adaptés spécifiquement aux technologies de capture carbone.

Le troisième défi réside dans l’articulation entre régulation publique et certification privée. L’émergence de standards volontaires pour la certification des absorptions de carbone, portés par des acteurs privés, crée un paysage normatif complexe. Le législateur devra définir un cadre clair délimitant le rôle respectif de ces standards et des normes publiques, afin d’éviter les risques de greenwashing tout en préservant la dynamique d’innovation.

Vers une gouvernance multi-niveaux

La nature transversale des technologies de capture appelle une gouvernance juridique adaptée :

  • Au niveau international : renforcement du cadre de l’Accord de Paris avec des dispositions spécifiques sur les émissions négatives
  • Au niveau européen : création d’une agence dédiée ou extension du mandat de l’Agence européenne pour l’environnement
  • Au niveau national : mise en place d’instances de coordination interministérielle
  • Au niveau local : développement de structures de gouvernance territoriale associant parties prenantes publiques et privées

Cette gouvernance multi-niveaux devrait s’appuyer sur des principes de subsidiarité active, permettant de traiter chaque question au niveau le plus pertinent tout en assurant la cohérence d’ensemble du cadre juridique.

La question du financement à long terme constitue un quatrième défi majeur. Au-delà des mécanismes incitatifs initiaux, le droit devra organiser le passage à un modèle économique pérenne. L’intégration progressive des coûts de capture dans les prix des produits à forte empreinte carbone, via des mécanismes comme l’obligation de compensation carbone sectorielle, pourrait constituer une piste prometteuse.

Enfin, la responsabilité intergénérationnelle liée au stockage à très long terme du CO2 pose des questions juridiques inédites. Le droit actuel, largement ancré dans une temporalité limitée, peine à appréhender des engagements sur plusieurs siècles. Des innovations juridiques comme la création de fonds fiduciaires perpétuels dédiés à la surveillance des sites de stockage ou la reconnaissance de droits aux générations futures pourraient apporter des réponses à ce défi.

L’encadrement juridique des technologies de capture du carbone se trouve ainsi à la frontière de l’innovation juridique. Il invite à repenser certains fondements du droit pour l’adapter aux enjeux climatiques de long terme, tout en préservant les principes fondamentaux de sécurité juridique et de protection environnementale.